La goutte d'eau
Vendredi, profitant de mon jour de repos, je me suis rendue à ma banque afin d'ouvrir un compte personnel et de fermer le compte commun. C'était le petit pas vers la véritable liberté qui devait être suivi du grand, quitter enfin ce fichu appartement où nous continuons à vivre tous les deux. Même si nous cohabitons en bonne intelligence, cette rupture qui s'étale sur des mois, qui n'est pas réellement effective me rend malade. Je crois que c'est un peu normal, qui a envie de voir son ex tous les soirs en rentrant du boulot? Le fait qui ne donne pas l'impression d'être sur le départ me stresse au plus haut point, même s'il y a une date butoir, le 30 juin, j'aurais réellement aimé qu'on le quitte avant. Nous nous sommes tout dit vers le 2 ou 3 janvier, j'aurais aimé qu'on se sépare ce mois ci ou au pire en mars. Pourtant, rien de bien réjouissant m'attend, avec mon smic et mon CDD, je ne peux pas me reloger, donc je vais aller vivre chez ma mère qui est complètement folle dingue (non, je plaisante... enfin... j'exagère un peu). Elle a une pièce indépendante d'à peu près 15-18 mètres carrés, c'est quand même pas si mal. Lui, je ne sais pas trop, il n'a aucun revenu (officiel), je crois qu'il attend que sa mère lui trouve un appart dans son village. C'est triste à dire, je crois qu'il n'est pas préssé de partir parce que temps que nous habitons sous le même toit, il me gratte au maximum. Je n'arrive pas à comprendre mon comportement face à lui, je bosse et c'est lui qui jouit de mon salaire, je l'entretiens entièrement et je ferme ma gueule. Nous ne sommes plus ensemble mais il continue à piocher allègrement dans mon minable smic. Quand j'ai passé une année sur Paris, j'ai quand même continué à tout payer pour lui. Cachant ce fait à mes amis, bien sûr, c'est tellement dingue. Je suis aussi consciente que si les propriétaires ne nous avaient pas donné congé, je n'aurais jamais eu le courage de le quitter.
Donc vendredi, je suis allée à la banque avec une boule au ventre, comme si j'étais en train de faire quelque chose de mal. Ma conseillère m'a reçu, et là, le verdict: "mais mademoiselle, vous êtes fichée à la banque de France, je ne peux pas ouvrir de compte personnel". Et oui, toutes les merdes qui nous sont arrivées pendant les 6 ans étaient à mon nom. Le pompon a été la taxe d'habitation, pour ne pas avoir deux taxes à payer et vu qu'il ne fait pas de déclaration, je payais la taxe en espèces. L'année où j'étais sur Paris, le montant a bien été retiré de notre compte mais n'est pas arrivé au trésor public. Il n'a jamais compris pourquoi je m'étais énervée et l'avais traité de voleur (ou alors il a fait semblant de ne pas comprendre), n'empêche qu'on ne rigole pas avec les impôts, ils ont fait une saisie sur compte. Alors même si je ne suis pas interdit bancaire, je suis fichée "mauvaise payeuse". En sortant de la banque et après un fou rire le long du trajet, j'ai très sérieusement envisagé le suicide. Je ne peux pas ouvrir de compte, donc mon salaire va continuer à être versé sur le compte joint, donc ad vitae eternam, je vais l'entretenir. Il a très vite compris que c'est lui qui avait toutes les clefs en main, on va donc rester jusqu'en juin dans cet appart... Je ne sais pas si je tiendrais, je vais aller voir la poste, en espérant qu'eux acceptent de m'ouvrir un compte. En parallèle, j'ai écrit à mon oncle qui vit en Calédonie, pour savoir s'il était envisageable que je m'installe sur le caillou. Bien sûr là-bas, je ne serais plus libraire mais je serais libre.